Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/542

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prétexte pour décliner sa propre compétence[1]. Selon une tradition, il aurait même renvoyé Jésus à Antipas, qui, dit-on, était alors à Jérusalem[2]. Jésus se prêta peu à ses efforts bienveillants ; il se renferma, comme chez Kaïapha, dans un silence digne et grave, qui étonna Pilate. Les cris du dehors devenaient de plus en plus menaçants. On dénonçait déjà le peu de zèle du fonctionnaire qui protégeait un ennemi de César. Les plus grands adversaires de la domination romaine se trouvèrent transformés en sujets loyaux de Tibère, pour avoir le droit d’accuser de lèse-majesté le procurateur trop tolérant. « Il n’y a ici, disaient-ils, d’autre roi que l’empereur ; quiconque se fait roi se met en opposition avec l’empereur. Si le gouverneur acquitte cet homme, c’est qu’il

  1. Jean, xix, 9. Cf. Luc, xxiii, 6 et suiv.
  2. Il est probable que c’est là une première tentative d’« harmonie des Évangiles ». Luc aura eu sous les yeux un récit où la mort de Jésus était attribuée par erreur à Hérode. Pour ne pas sacrifier entièrement cette donnée, il aura mis bout à bout les deux traditions, d’autant plus qu’il savait peut-être vaguement que Jésus (comme le quatrième Évangile nous l’apprend) comparut devant trois autorités. Dans beaucoup d’autres cas, Luc semble avoir un sentiment éloigné des faits qui sont propres à la narration de Jean. Du reste, le troisième Évangile renferme, pour l’histoire du crucifiement, une série d’additions que l’auteur paraît avoir puisées dans un document plus récent, et où l’arrangement en vue d’un but d’édification était sensible.