Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/594

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Jésus est l’individu qui a fait faire à son espèce le plus grand pas vers le divin. L’humanité prise en masse offre un assemblage d’êtres bas, égoïstes, supérieurs à l’animal en cela seul que leur égoïsme est plus réfléchi. Cependant, au milieu de cette uniforme vulgarité, des colonnes s’élèvent vers le ciel et attestent une plus noble destinée. Jésus est la plus haute de ces colonnes qui montrent à l’homme d’où il vient et où il doit tendre. En lui s’est condensé tout ce qu’il y a de bon et d’élevé dans notre nature. Il n’a pas été impeccable ; il a vaincu les mêmes passions que nous combattons ; aucun ange de Dieu ne l’a conforté, si ce n’est sa bonne conscience ; aucun Satan ne l’a tenté, si ce n’est celui que chacun porte en son cœur. De même que plusieurs de ses grands côtés sont perdus pour nous par suite de l’inintelligence de ses disciples, il est probable aussi que beaucoup de ses fautes ont été dissimulées. Mais jamais personne autant que lui n’a fait prédominer dans sa vie l’intérêt de l’humanité sur les vanités mondaines. Voué sans réserve à son idée, il y a subordonné toute chose à un tel degré que l’univers n’exista plus pour lui. C’est par cet accès de volonté héroïque qu’il a conquis le ciel. Il n’y a pas eu d’homme, Çakya-Mouni peut-être excepté, qui ait à ce point foulé aux pieds la famille, les joies de ce