Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/598

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vie de Jésus qui se bornent à l’emploi des synoptiques ne diffèrent pas plus les uns des autres que les narrateurs de la vie de Mahomet qui font usage des hadith. Les biographes du prophète arabe peuvent penser diversement sur la valeur de telle ou telle anecdote. Mais, en somme, tout le monde est d’accord sur la valeur des hadith ; tout le monde les range dans la classe de ces documents traditionnels et légendaires, vrais à leur manière, mais non comme les documents précis de l’histoire proprement dite.

Sur le second point, je veux dire sur l’emploi qu’il convient de faire du quatrième Évangile, il y a désaccord. J’ai fait usage de ce document, avec infiniment de réserves et de précautions. Selon d’excellents juges, j’aurais dû n’en faire aucun usage, à l’exception peut-être des chapitres xviii et xix, renfermant le récit de la Passion. Presque toutes les critiques éclairées que j’ai reçues à propos de mon ouvrage sont d’accord sur ce point. Je n’en ai pas été surpris ; car je ne pouvais ignorer l’opinion assez contraire à la valeur historique du quatrième Évangile qui règne dans les écoles libérales de théologie[1]. Des objections venant d’hommes si compétents me faisaient un devoir de soumettre mon opinion à un nouvel examen. Laissant de côté la question de savoir qui a écrit le quatrième Évangile, je vais suivre cet Évangile paragraphe par paragraphe, comme s’il venait de sortir sans nom d’auteur d’un manuscrit nouvellement découvert. Faisons abstraction de toute idée préconçue, et tâchons de nous rendre compte des impressions que produirait sur nous cet écrit singulier.

  1. On peut voir tous les arguments que les maîtres de ces écoles font valoir contre le quatrième Évangile, exposés avec force dans le travail de M. Scholten, traduit par M. Réville (Revue de théologie, 3e série, tomes II, III, IV).