Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/609

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le même pied que les autres biographies de Jésus, sauf ensuite à se décider dans le détail par des motifs de préférence ? Un inventeur a priori d’une vie de Jésus, ou bien n’aurait rien de commun avec les synoptiques, ou bien les paraphraserait comme font les apocryphes. L’intention symbolique et dogmatique serait chez lui bien plus sensible. Tout dans ses récits aurait un sens et une intention. Il n’y aurait pas de ces circonstances indifférentes, désintéressées en quelque sorte, qui abondent dans notre récit. Rien ne ressemble moins à la biographie d’un éon ; ce n’est pas ainsi que l’Inde écrit ses vies de Krischna, raconte les incarnations de Vischnou. Un exemple de ce genre de composition, dans les premiers siècles de notre ère, c’est la Pisté Sophia attribuée à Valentin[1]. Là, rien de réel, tout est vraiment symbolique et idéal. J’en dirai autant de « l’Évangile de Nicodème », composition artificielle, toute fondée sur des métaphores. De notre texte à de pareilles amplifications il y a un abîme, et, s’il fallait à tout prix trouver l’analogue de ces amplifications parmi les Évangiles canoniques, ce serait dans les synoptiques bien plus que dans notre Évangile qu’il faudrait le chercher.

§ 6. Suit (ii, 18 et suiv.) un autre incident, dont la relation avec le récit des synoptiques n’est pas moins remarquable. Ceux-ci, ou du moins Matthieu et Marc, rapportent, à propos du procès de Jésus et de l’agonie sur le Golgotha, un mot que Jésus aurait prononcé et qui aurait été l’une des causes principales de sa condamnation : « Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours. » Les synoptiques ne disent pas que Jésus eût tenu ce propos ; au

  1. Retrouvée dans une version copte et traduite par M. Schwartze (Berlin, 1851).