Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/87

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créance très-partielle, comme on le voit par la controverse de la Pâque, puis universellement reconnu. Je suis quelquefois porté à croire que c’est au quatrième Évangile que pensait Papias, quand il oppose aux renseignements exacts sur la vie de Jésus les longs discours et les préceptes étranges que d’autres lui prêtent[1]. Papias et le vieux parti judéo-chrétien devaient tenir de telles nouveautés pour très-condamnables. Ce ne serait pas la seule fois qu’un livre d’abord hérétique aurait forcé les portes de l’Église orthodoxe et y serait devenu règle de foi.

Une chose au moins que je regarde comme très-probable, c’est que le livre fut écrit avant l’an 100, c’est-à-dire à une époque où les synoptiques n’avaient pas encore une pleine canonicité. Passé cette date, on ne concevrait plus que l’auteur se fût affranchi à ce point du cadre des « Mémoires apostoliques ». Pour Justin et, ce semble, pour Papias, le cadre synoptique constitue le plan vrai et unique de la vie de Jésus. Un faussaire écrivant vers l’an 120 ou 130 un Évangile de fantaisie se fût contenté de traiter à sa guise la version reçue, comme font les Évangiles apocryphes, et n’eût pas

    prêtant des citations du quatrième Évangile à Basilide et à Valentin, les Pères n’ont pas attribué à ces fondateurs d’écoles les sentiments qui régnèrent après eux dans leurs écoles.

  1. Dans Eusèbe, Hist. eccl., III, 39.