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Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/91

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langue mystique s’y déploie, langue caractérisée par l’emploi fréquent des mots « monde », « vérité», « vie », « lumière », « ténèbres », et qui est bien moins celle des synoptiques que celle du livre de la Sagesse, de Philon, des valentiniens. Si Jésus avait jamais parlé dans ce style, qui n’a rien d’hébreu, rien de juif, comment se fait-il que, parmi ses auditeurs, un seul en eût si bien gardé le secret ?

L’histoire littéraire offre, du reste, un exemple qui présente une certaine analogie avec le phénomène historique que nous venons d’exposer, et qui sert à l’expliquer. Socrate, qui comme Jésus n’écrivit pas, nous est connu par deux de ses disciples, Xénophon et Platon : le premier répondant, par sa rédaction limpide, transparente, impersonnelle, aux synoptiques ; le second rappelant par sa vigoureuse individualité l’auteur du quatrième Évangile. Pour exposer l’enseignement socratique, faut-il suivre les « Dialogues » de Platon ou les « Entretiens » de Xénophon ? Aucun doute à cet égard n’est possible ; tout le monde s’est attaché aux « Entretiens », et non aux « Dialogues». Platon cependant n’apprend-il rien sur Socrate ? Serait-il d’une bonne critique, en écrivant la biographie de ce dernier, de négliger les « Dialogues » ? Qui oserait le soutenir ?

Sans se prononcer sur la question matérielle de