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BUCOLIQUES

— J’en salis trop peu pour faire la lessive. Quand mes voisines la font, elles me demandent si je n’ai rien à mettre dans leur cuvier. Je leur donne mon petit paquet de linge. Elles me le coulent et je le lave moi-même à la rivière. Par les temps doux, c’est un plaisir, mais mon meilleur moment, je le passe assise sur l’escalier, le soir, dès que le vent se calme et que le soleil se couche derrière les maisons.

— Économe, sobre, propre, madame Louise, vous êtes une maîtresse femme.

— Oh ! il m’arrive de faire des folies ! Une fois par an, je vais à la ville, chez le marchand de nouveautés, et je m’offre un cadeau, et je me paie ce qu’il a de plus solide et de meilleur teint en boutique.

— Seriez-vous coquette ?

— Vous me croirez si vous voulez, je n’utilise pas ce que j’achète. Je le serre dans mon armoire et je regarde de temps en temps ma richesse sur les rayons. J’aime mieux la toile pour une paire de draps que les draps, et l’étoffe d’une robe que la robe.