Page:Renard - Coquecigrues, 1893.djvu/30

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feuilles tombantes, ou bien ôtent leurs souliers et font prendre l’air à des pieds impurs et malades qu’une mère ne reconnaîtrait pas. Quelques-uns lisent des bouts de journaux sans date, qui ont enveloppé du fromage. Ils y cherchent des chiens à retrouver.

Sorti de son kiosque, le gardien du square se promène en uniforme vert, tenant ferme la poignée de son épée afin d’éviter ses crocs-en-jambe. Il dévisage ces déguenillés, toujours les mêmes et toujours là, qui lui font honte. Volontiers, il les provoquerait. Sournoisement, chaque matin, il croiserait des baguettes sur les bancs sans cesse enduits de peinture fraîche.

Mais ces meurt-de-faim y prendraient-ils garde ? Ils sont assez las pour dormir sur des culs de bouteille.

Puisqu’il n’a que de pareils êtres à surveiller, ses fonctions lui semblent basses et la supériorité en ce monde une chose vaine.

Soudain, il reprend tous les pouces qu’il avait perdus de sa taille et sourit : un couple lui arrive d’un monsieur et d’une dame bien