Aller au contenu

Page:Renard - L’Œil Clair, 1913.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
105
LA VISITE AU POÈTE

— J’ai fait, hier, une pièce de poésie dans le genre de Casimir Delavigne. Vous le connaissez ?

— Oui, un peu, mal.

— J’ai lu ma pièce à quelques amis. Ils sont satisfaits. Ils trouvent mes vers bien frappés et estiment que c’est superbe. Oh ! Je ne me base pas sur leurs paroles. Ils disent : " C’est superbe ", par devant, et par derrière ils se moquent.

— Vous n’en savez rien.

— Je suppose.

— Il ne faut pas être si modeste ?

— On me répète souvent que je ferais mieux de soigner mes terres, mais je les cultive comme le voisin et elles sont aussi bien tenues que les siennes. Pourquoi le paysan n’aurait-il pas ses envolées ? La poésie est mon seul plaisir. Je ne bois pas et jamais je ne touche une carte. Dans les noces, je mange comme tout le monde, et je laisse ensuite les autres danser et jouer ; moi, j’ai mon papier, mon crayon et, sur le coin d’une table, je décris mes pensées, je jette une poésie ou un petit article.

Il envoie ses articles à une feuille locale. On l’imprime avec assez de régularité et sans trop de coupures, mais il faut qu’il s’abonne. C’est une dépense. Ah ! s’il s’agissait d’un journal de Paris !