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L’ŒIL CLAIR


une chemise qu’elle gardera et lui taille un corsage.

La petite avait donné un modèle de chemise, fait de pièces rajoutées. Il n’y en avait pas deux du même âge, et quelques-unes ont été cousues avec de la ficelle de cuisine. D’ailleurs cette chemise n’est pas trop sale, la petite ayant eu soin, hier, de la tremper dans un baquet. Mais il reste des souvenirs de puce.

— J’ai bien vu des chemises, je n’en ai jamais vu de pareille, dit Marie, la servante, dont le cœur dur est touché.

La petite sent la petite fille qui ne se déshabille jamais pour dormir. Un mélange de foin et de sueur. Le père affirme bien qu’il y a deux lits dans la roulotte, mais ils ne doivent s’en servir que l’hiver.

La petite répond tout bas. Elle s’applique à son ouvrage, les yeux baissés. Elle est bien. Il fait bon et ça sent le veau au jus qui cuit dans la casserole.

Voilà midi qui sonne.

— As-tu faim ? lui demande Gloriette.

Elle crut, parce que c’était l’heure du déjeuner, qu’on allait lui dire : Va-t’en.

Et elle répond, plutôt avec ses cheveux qu’avec la voix :

— Non, madame.