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LETTRES À L’AMIE

On l’a baptisée, mais elle ne pourra jamais faire sa première communion. Il est trop tard pour qu’elle apprenne le catéchisme. On ne peut la regarder sans révolte.

Elle n’a qu’une jupe qui colle à ses jambes maigres. Elle n’avait jamais porté de chapeau. Gloriette lui donne son premier. Elle est si heureuse qu’elle le mettrait toute nue.

D’ailleurs elle ne prend pas la peine d’arranger ce qu’on lui offre. Elle ne sait pas coudre, tirer avec goût partie d’une vieillerie. Ce caraco, elle a eu l’impatience de le mettre tel quel, déchiré et sale. Pas un bouton. Il tient sur ses épaules, avec des épingles, il bâille sur la poitrine, et on voit que le derrière de sa chemise est par devant.

Son père et la vieille femme qui vit avec son père la laissent quinze jours, trois semaines toute seule dans la roulotte. Ils vont au loin faire une tournée, étant étameurs de leur métier, La roulotte où elle reste est à l’entrée du village près du pont. La petite, gardée par un chien, n’a pas peur. Elle a un poêle pour faire sa cuisine. Ses voisins, hostiles au père et à la mère parce qu’ils sont étrangers et parce que la vieille a les doigts crochus, ne s’occupent jamais de la petite.

Ce matin, à la maison, Gloriette lui fait coudre