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Page:Renard - L’Œil Clair, 1913.djvu/51

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NOS FRÈRES, LES PAYSANS


par sobriété, elle préfère à une soupe soignée la trempette au vin si vite préparée. C’est par la même indolence qu’une femme mariée renonce bientôt à sa coquetterie de jeune fille. A quoi bon ?


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Ainsi, quelques-uns de leurs défauts et de leurs vertus ne sont que des habitudes forcées. Considérez ce paysan qui passe pour roublard. Il s’est bonnement aperçu qu’entre voisins il ne fallait pas dire la vérité, et il a toujours peur de la dire. De là ses hésitations, ses silences, ses airs de profond politique. Il ment par timidité. Si vous luttez avec lui en disant vrai, il vous roulera en mentant ; c’est toute sa malice de frère farouche et têtu.

Mais il a surtout l’habitude de l’ignorance. C’est son enveloppe naturelle. Il ne mérite même pas sa fameuse réputation de météorologiste. Il refuse de croire au baromètre, ne se fie qu’à ses rhumatismes, et n’observe jamais ni le ciel, ni les nuages, ni la direction du vent, ni la lune, qu’il craint, d’ailleurs, comme une déesse méchante. Tel vieux paysan ne sait pas de quel côté la nouvelle lune tourne ses cornes, (Vous non plus, peut-être ?)

Son ignorance, presque universelle, ne le gêne