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Page:Renard - L’Œil Clair, 1913.djvu/52

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L’ŒIL CLAIR


pas. Il dit finement qu’il n’allait à l’école que le jeudi, c’est-à-dire le jour de congé. Il n’a rien appris et il ne désire rien apprendre, et il a tellement l’habitude de ne rien savoir, qu’on l'étonne, car il tient à ce qu’il appelle ses idées, si on se risque à prétendre qu’il ne sait pas tout.


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Son excuse, et notre honte, c’est que personne ne s’occupe de lui. Il faut bien s’occuper de soi, vivre à l’aise, riche par comparaison, et jouir le plus possible. Ce paysan-là ne nous envie point, parce qu’il a principalement l’habitude de se résigner. On ne l’excite pas, comme on veut, à la révolte. L’un d’eux reste vingt ans domestique de confiance, au service d’un fermier. Le fermier se retire avec une grosse fortune et laisse le paysan quinquagénaire sans le sou et sans rancune : il vous serait impossible de lui faire dire que c’est injuste. Il ne pousse, çà et là, que des plaintes discrètes, vagues, d’un intérêt général. S’il réclame pour son compte, c’est en cachette. A propos d’un fils, par exemple, qu’il voudrait ravoir au foyer, il prend, s’il se rappelle quelques lettres de son alphabet, sa plume encrassée, qu’il dirige, avec