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Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/15

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LA TÊTE BRANLANTE


À Paul Margueritte.

I

Le vieil homme s’efforça de regarder ses souliers cirés et les plis que formait, aux genoux, son pantalon clair trop longtemps laissé dans l’armoire. Il réunit les mollets, se tint moins courbe, donna, son gilet bien tiré, une chiquenaude à sa cravate folle, et dit tout haut :

— Je crois que je suis prêt à recevoir nos soldats français !

Sa blanche tête tremblante remua plus rapidement que de coutume, avec une sorte de joie. Il zézayait, disait : « Ze crois, ze veux, » comme si, à cause de l’agitation de sa tête, il n’avait plus le temps de toucher aux mots que du bout de la langue, de l’extrême pointe.

— Ne vas-tu pas à la pêche ? lui dit sa femme.

— Je veux être là quand ils arriveront.

— Tu seras de retour !

— Oh ! si je les manquais !

Il ne voulait pas les manquer. Écartant sans cesse