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Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/16

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les battants de la fenêtre qui n’était jamais assez ouverte, il tentait de fixer, sur la grande route, le point le plus rapproché de l’horizon. Il eût dit aux maisons mal alignées :

— Ôtez-vous ; vous me gênez.

Sa tête faisait le geste du tic tac des pendules. Elle étonnait d’abord par cette mobilité continue. Volontiers on l’aurait calmée, en posant le bout du doigt, par amusement, sur le front. Puis, à la longue, si elle n’inspirait aucune pitié, elle agaçait. Elle était à briser d’un coup de poing violent.

Le vieil homme inoffensif souriait au régiment attendu. Parfois il répétait à sa femme :

— Nous logerons sans doute une dizaine de soldats. Prépare une soupe à la crème pour vingt. Ils mangeront bien double.

— Mais, répondait sa femme prudente, j’ai encore un reste de haricots rouges.

— Je te dis de leur préparer une soupe à la crème pour vingt, et tu leur prêteras nos cuillers de ruolz, tu m’entends, non celles d’étain.

Il avait encore eu la prévenance de disposer toutes ses lignes contre le mur. Le crin renouvelé, l’hameçon neuf, elles attendaient les amateurs, auxquels il n’aurait plus qu’à indiquer les bons endroits.

II

On ne lui donna pas de soldats.

Parce qu’il pêchait les plus gros poissons du pays, il attribua cette offense à la jalousie du