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Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/204

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LA PARTIE DE SILENCE


À Louis Dumur.


Ils ont mangé la soupe et le bœuf. La mère débarrasse la table, l’approche tout près du poêle pour le père, et la fille y dépose la lampe. Le fils choisit dans le coffre à bois une bûche. Ces dames prennent leur ouvrage, le père son journal. Les aiguilles mordillent le linge. Le journal va, vient entre les doigts, avec des haltes. Le poêle ronfle ainsi qu’il faut, car sa petite porte est ouverte à moitié, et le fils le surveille. On n’entend pas de tic tac d’horloge : il n’y a point d’horloge ; mais une bouilloire siffle comme un nez pris.

Y sont-ils ?

Ah ! la mère oubliait de remonter, une fois pour toutes les autres, la mèche de la lampe, et de baisser l’abat-jour, lequel est bleu.

Bien ! chut ! Et, de huit à dix, lèvres serrées, yeux troubles, oreilles endormies déjà, vie suspendue, toute la famille, pour savoir qui se taira le mieux, fait, sans bruit, sa quotidienne partie de silence.

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