Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/218

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d’une famille aimante ne m’ont ému, et cette fois encore, j’en tiens un.

Jean. — Un quoi ? Laisse donc ton nez.

Jacques. — Tu me crois peut-être à plaindre. Tu ne me comprendras jamais. Sache au contraire que j’éprouve des impressions compliquées, connues des seuls initiés. La douleur et la jouissance se confondent. J’ai une narine en feu et de la glace dans l’autre. Je ne compte pas les éternuements joyeux, qui sont tout bénéfice ! Je tire doucement, doucement. Il me semble que ce poil est planté au profond de ma chair et que ma cervelle vient avec. J’arrive au sommet de l’aigu. Aïe ! que j’ai mal ! Oh ! que je suis heureux ! Je gradue les secousses. C’est une science. Ouf ! Ah ! le voilà !

Jean. — Je ne distingue pas.

Jacques. — Approche-toi.

Jean. — Oui, j’aperçois quelque chose. Mets-le devant la fenêtre, en plein soleil.

Jacques. — Comme ceci ?

Jean. — Là. Bien. Ne bouge plus. Je vois maintenant le poil dans son intégrité ! Il a la flexion d’un arc d’or. Il est transparent et blond, avec une grosseur à l’une de ses extrémités. On jurerait sa tête.

Jacques. — Ce sont plutôt ses racines, Jeannot.

Jean. — Reçois, mon Jacquot, mes sympathiques compliments : il est superbe !

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