Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/243

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neuve comme l’intérieur des abricots. Lis la Bible : on s’y lave les pieds à tout bout de chemin. Je parle gravement. N’oublie pas notre convention.

Chloé. — Non : « nous nous préviendrons mutuellement (car on ne se connaît pas soi-même) qu’une visite au dentiste paraît nécessaire. »

Daphnis. — C’est d’une importance immesurable. Une dent gâtée gâte tout.

Chloé. — Compte sur moi. Comme nous nous aimons ! Qui dénombrera les êtres anéantis dans nos nuits d’amour ? Ma conscience a la chair de poule. S’il y avait crime !

Daphnis. — Put ! cinq minutes avant la vie on est encore mort : aussi, ne te presse pas. N’anéantis pas trop vite. Ça jette un froid.

Chloé. — Un mot, pendant que j’y pense, relatif à notre convention. Tu ne te fâcheras pas, mon Daphnis : il m’a semblé, ce matin, que ton haleine…

XII

Chloé. — Nos enfants sont notre joie. Ils nous occupent toute la journée.

Daphnis. — Ils ne nous laissent pas un instant de liberté.

Chloé. — C’est juste ! Nous avons dû renoncer au théâtre, au monde, et hier encore nous refusions une invitation à dîner.

Daphnis. — Les pauvres petits sont si gentils qu’on n’a pas le courage de leur en vouloir.

Chloé. — Suppose un instant que nous n’en ayons pas.