Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/245

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Chloé. — Oh ! je voudrais tant savoir…

Daphnis. — Quoi ? La solution du problème de la destinée ?

Chloé. — Je voudrais tant savoir ce que tu feras quand je ne serai plus là. Écoute ce que je ferai, moi. Ne t’en inquiètes-tu point ? Je jure de ne pas me remarier.

Daphnis. — Tu aurais tort de te gêner. Assez jeune, encore belle, au bout de trois ou quatre ans, mettons cinq, tu rencontreras un brave garçon enchanté de t’accueillir, toi et ta famille.

Chloé. — Sans doute, mais si je tombe mal ?

Daphnis. — On n’a pas de la chance tous les jours.

Chloé. — Il désirera d’autres enfants, ce monsieur.

Daphnis. — Dame, mets-moi à sa place.

Chloé. — Et les nôtres seront malheureux.

Daphnis. — Ne te remarie pas. Toutefois, si tu restes veuve par peur, quel mérite aurais-tu ?

Chloé. — Ne parlons plus de ces choses. Elles attristent.

Daphnis. — À ton gré. Je m’y habitue.

Chloé. — Pourquoi ce ton d’ironie fausse et fatigante ? Tu crains la mort comme les autres et ton tour viendra.

Daphnis. — Je le céderai aussi souvent que possible. Je jetterai mon numéro par terre et l’écraserai du pied.

Chloé. — Grand bête ! Réflexion faite, toi parti, je me consacrerai à mes enfants ; je les élèverai moi-même, je leur apprendrai à lire.

Daphnis. — Toute leur vie ?