Chloé. — Non, hélas ! mais je m’engage à leur suffire quelques années. Rien ne leur manquera. Ta présence ne sera pas indispensable.
Daphnis. — Si j’allais me promener !
Chloé. — Cesse de me taquiner, je t’en supplie. Laisse-moi finir. Oui, je me charge de commencer leur éducation. Puis, je devrai les mettre au lycée, songer à leur avenir, leur donner le goût d’une profession, les pousser dans le monde. Je perdrai la tête.
Daphnis. — Alors, tu souhaiteras qu’un homme à poigne se montre, le brave garçon d’abord dédaigné.
Chloé. — Il faudra marier ma fille. M’y résoudrai-je, mon Dieu ?
Daphnis. — Un second homme à poigne sera nécessaire.
Chloé. — Tu ris et j’ai envie de pleurer. On a beau dire, une mère n’est pas un père. J’exagérais tout à l’heure. Je ne puis que les débarbouiller, les chers petits, couper leurs ongles, les habiller coquettement, arrondir leurs joues, leur créer une santé forte. Une gouvernante bien payée me remplacerait.
Daphnis. — Je tâcherai de la choisir bonne.
Chloé. — Je hais, sans la connaître, cette femme qui me volera mes enfants.
Daphnis. — As-tu remarqué ? Déjà l’aîné se détourne de toi pour venir à moi. Tu le couvais, hier ; il s’échappe aujourd’hui, et maintenant il veut tout faire comme papa.
Chloé. — Je m’en irais ce soir ou demain, que l’ingrat m’aurait oublié dans quinze jours.
Daphnis. — Et notre calme existence, un moment