Après les compliments d’usage :
— Voulez-vous me permettre de vous offrir ceci ? dit M. Bornet, en lui tendant l’assiette.
— Vous êtes trop charitables, dit le concierge, mais ça va vous manquer ?
— Que non ! dit M. Bornet. J’en ai jusque-là.
Il pesa sur sa pomme d’Adam et tira la langue.
— Prenez, dit Mme Bornet. Ne craignez rien. C’est pour vous.
Le concierge, les yeux sur le gâteau, les narines flairantes, hésita et soudain demanda :
— Y a-t-il des œufs dans votre gâteau ?
— Parbleu ! dit M. Bornet, on ne fait pas de bon gâteau sans œufs.
— Alors, ça me rembrunit. Je n’aime pas les œufs.
— Qu’est-ce que tu lui contes, mon ami, dit Mme Bornet. Il y a un jaune d’œuf, au plus, pour lier la pâte.
— Oh ! Madame, rien que d’entendre chanter une poule, j’ai mal au cœur.
— Je vous affirme, dit Monsieur, qu’il est exquis. Vous vous régaleriez.
Comme preuve, il trempa le bout du doigt dans le gâteau et suça hardiment.
— Possible, dit le concierge ; je suis sans compétence. C’est égal, je n’en veux point. Je vomirais. Faites excuses, merci bien.
— Mais pour votre femme ?
— Ma femme est comme moi. Elle n’aime pas les œufs. Elle les renvoie aussi. C’est un peu à cause de ce dégoût-là que nous nous sommes convenu.