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Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/53

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— Pour vos charmants bébés ?

— Mes gosses, Madame. Justement, l’aîné a mal aux dents. Il en perd partout. La friandise ne lui vaut rien. Et le plus petit, le pauvre cher petit, n’est point encore porté sur la bouche.

— Assez, dit Mme Bornet glaciale. Laissez-le. Nous ne vous forçons pas. Nous n’en avons pas le droit. Mille regrets, mon brave !

— Oui, assez, dit M. Bornet, du ton dont il eût repoussé un mendiant.

Ils étaient humiliés. Le concierge s’aperçut de leur mécontentement. Pris de scrupules délicats, il ne voulut pas les quitter sur cette impression fâcheuse, et poliment :

— Vous, Monsieur, qui êtes un savant, vous n’auriez pas, des fois, dans vos livres, un livre avec des lettres écrites, imprimées, pour souhaiter des fêtes, la Sainte-Honorine, par exemple ? Voilà qui me ferait plaisir et me serait utile. Je vous le rendrais.

On ne lui répondit même pas. Il s’éloigna à reculons, confus, certain qu’il les avait fâchés, et se promettant de faire oublier sa conduite par des amabilités de son ressort.

— Imbécile ! dit M. Bornet. Des gens qui crèvent de faim. Dernièrement, leur petit tétait une feuille de salade.

— Au fond, c’est de l’orgueil, dit Mme Bornet. Il mourait d’envie d’accepter.

Elle n’en revenait plus, et ses doigts fébriles jouaient sur les petits tambourins de ses tempes. Les coudes sur la table, Monsieur consultait une manche de son paletot. En vérité, ce gâteau était