Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/54

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d’un placement si difficile qu’ils allaient s’en désintéresser.

— Sommes-nous bêtes ! dit enfin Madame.

Elle donna un vif coup de pouce à la poire électrique. La bonne parut.

— Louise, dit sèchement Mme Bornet, mangez ça. Vous conserverez votre fromage pour demain.

Louise emporta le gâteau.

— J’espère qu’on la comble en dessert. Elle va le dévorer, les yeux fermés.

— Ça dépend, dit Monsieur, je n’en mettrais pas ma tête sur le billot. Cette fille se dégrossit, se parisianise. Elle a des diamants en verre aux oreilles.

— Je sais. Depuis que nous l’avons menée au cirque, par imprudente générosité, elle jongle avec les assiettes. Mais elle ne poussera pas la distinction jusqu’à bouder contre son ventre.

— Hé ! je me défie, moi. Elle peut engloutir le gâteau comme elle peut n’y pas toucher.

— Je voudrais voir ça.

Ils attendirent ; puis, pour une cause ou pour une autre, sans faire semblant de rien, Mme Bornet passa dans la cuisine. Elle en revint grinçante d’indignation.

— Devine où il est, notre gâteau ?

M. Bornet se dressa comme un point d’interrogation énorme, oscillant.

— Devine ? je te le donne en cent.

— Ah ! je trépigne.

— Dans la boîte aux ordures !

— Trop fort !