Page:Renard - La Lanterne sourde, Coquecigrues,1906.djvu/94

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de se sentir libre, et partit. Cette espièglerie réjouit M. Sud :

— Celui-là n’avait pas trop de mal, dit-il. Les autres l’imiteront peut-être !

Il les percha tour à tour au bout de son doigt, avec des paroles encourageantes. Mais, désormais incapables d’essor, ils retombèrent au creux de la main.

— Qu’en faire ? se demanda M. Sud.

Il ne songea pas à les élever dans une cage bien aménagée.

Il s’assura que personne ne pouvait le surprendre, regretta de ne point se trouver derrière une porte dont le verrou serait poussé, et déposa délicatement les chardonnerets au bord de la rivière. Le courant félin les saisit, noua, comme avec un fil, leurs ailes à peine battantes, les emporta. Vraiment, ils furent noyés sans avoir lutté plus que des mouches.

— Vois-tu, dit M. Sud à Pyrame, je préfère, décidément, la pêche à la chasse. Les poissons, ça n’a pas l’air de bêtes. Ils n’ont ni poil, ni plumes, et meurent tout seuls, quand ils veulent, sur le gazon, dans un coin, sans qu’on s’en occupe. Assez de carnage ! À partir de demain, nous pêcherons : tu porteras le filet !

Ensuite, M. Sud jeta sa douille de cartouche, moins précieuse, maintenant, qu’un bout de cigare éteint, et comme son pantalon en velours gris-souris était taché de sang, il trempa dans l’eau son mouchoir et s’efforça — ainsi qu’un criminel — de laver et de frotter les gouttes rouges qui reparaissaient toujours !

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