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Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/244

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le docteur lerne, sous-dieu

(Entre parenthèses, je constatai, ce jour-là, un détail qui me soulagea le cœur d’un grand poids. J’avais appréhendé que l’âme du malheureux Klotz ne fût déportée en quelque bête soigneusement recluse. Mais sa dépouille — quoique magnifiquement évocatrice du poème baudelairien — me réfuta d’elle-même. Le cerveau du mort, au fond de la blessure, était sinué de nombreuses et profondes circonvolutions, encore visibles. Leur nombre et leur profondeur, en témoignant de son humanité, prouvaient un meurtre pur et simple, grâce au ciel !)

Donc je jouissais d’une large indépendance.

Et puis un Lerne affectueux et repentant s’était manifesté à mon chevet pendant mes journées de lit, — oh ! non pas le Lerne d’autrefois, le gai compagnon de ma tante Lidivine ! mais ce n’était plus, tout de même, l’hôte farouche et sanguinaire qui m’avait accueilli de l’air dont on expulse.

Quand il me vit sur pieds, mon oncle fit venir Emma et lui dit en ma présence que j’étais guéri d’une imbécillité passagère, et qu’elle eût à m’adorer :

— Pour moi, continua-t-il, je renonce à un exercice qui ne sied plus à mon âge. Emma, tu auras maintenant ta chambre à toi, près de la mienne : celle où tu gardes tes falbalas. Je vous demande seulement de ne pas me quitter. La brusque solitude augmenterait une peine que vous concevrez facilement et que vous pardonnerez de même tous les deux. Elle passera, cette