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Page:Renard - Le Docteur Lerne sous-dieu, 1908.djvu/302

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le docteur lerne, sous-dieu

La sirène caqueta.

— Rira bien qui rira le dernier ! grommelai-je.

— Qu’est-ce qu’il y a donc ? qu’est-ce qu’il y a donc ? répétait ma compagne.

Sans l’écouter, je pris au porte-bagages une canne d’acier qui me servait d’arme défensive, et, à la profonde stupéfaction d’Emma, j’en frappai l’automobile rétif.

Alors ce fut épique. Sous la formidable volée, le véhicule pesant se démena comme une monture rogneuse : pointes, ruades, sauts de mouton, il mit tout en œuvre pour nous désarçonner.

— Cramponne-toi ! criai-je à mon amie.

Et je tapai de plus belle. Le moteur grognait, la sirène geignait de douleur ou rugissait de colère ; sur la tôle du capot les coups pleuvaient dru ; et la raclée faisait retentir les bois d’un vacarme fabuleux…

Soudain, poussant le barrit clair des éléphants, le mastodonte métallique bondit, exécuta deux ou trois lançades, et fonça en avant à une vitesse foudroyante, — emballé !

Je n’étais plus maître de la situation. L’affolement d’un monstre emporté commandait à la fortune. Nous volions presque ; la 80-chevaux filait avec une rapidité de chute ; l’air violent n’était plus respirable… Parfois un cri strident de la sirène… Nous traversâmes Grey-l’Abbaye au train de l’éclair. Des poules, des chiens sous les roues ; du sang sur mes lunettes. Nous allions