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le docteur lerne, sous-dieu

teste, mon oncle, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, avait pris son parti de mon intrusion. Néanmoins, sa belle humeur persistante ne fit que me contrarier. Mes projets d’indiscrétion me semblaient moins légitimes. Peut-être même les aurais-je abandonnés à ce moment, si le désir d’Emma ne m’avait poussé au mal envers son despotique geôlier. Et puis, était-il sincère ? et ne fut-ce pas seulement pour m’inciter à garder la foi jurée, qu’il me dit en arrivant au garage improvisé :

— Nicolas, j’ai beaucoup réfléchi. Décidément, je crois que tu pourrais nous être fort utile dans l’avenir et je désire te connaître davantage. Puisque tu veux demeurer quelques jours ici, nous causerons souvent. Le matin, je travaille peu, nous l’emploierons à nous promener, soit à pied, soit dans ta voiture, en devisant. Mais n’oublie pas tes promesses !

Je fis un signe de tête. « Après tout, pensai-je, il a vraiment l’air de vouloir publier, un jour, cette solution inconnue qu’il poursuit. Pourquoi ne serait-elle pas équitable, en effet, si les travaux qui la doivent procurer ne le sont pas ? C’est eux seuls, sans doute, qu’il tient à dissimuler jusqu’au résultat : il suppute l’éclat de celui-ci pour justifier la barbarie de ceux-là et s’en faire absoudre… ; à moins que la fin ne trahisse pas les moyens, et que ces moyens puissent rester à jamais ignorés. D’autre part, Lerne craindrait-il vraiment la concurrence ? Pourquoi non ? »

Je ruminais tout cela en vidant au réservoir de ma