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végétaux. C’était une forêt de plantes grasses, baroques, géantes, terrifiques, absolument anormales.

« Qu’est-ce que cela signifie ? » murmura César.

Il n’eut pas le temps de réfléchir plus avant. Quelque chose venait de se produire, qui lui retira momentanément l’usage du discernement. Une chose inimaginable, affreuse et splendide, non pareille et affolante.

Là-bas, le fouillis gigantesque et verdâtre s’agita. Les tubercules, les branches velues et les épaisses feuillées toutes gorgées de sucs furent violemment écartés, rompus, crevés comme un rideau massif.

Et, sorti de là, immobile tout à coup, faisant aller de droite et de gauche sa tête épouvantable, un animal énorme se dressait.

Il y avait en lui du dragon, du lézard ; son chef était d’un boa, son cou d’une tortue, sa queue d’une salamandre, sa posture d’un kangourou ; mais il portait, d’un bout à l’autre de son échine, une formidable crête armée de piquants et sa taille ne pouvait se comparer à rien de commun dans le monde des animaux vivants. Un éléphant des plus hauts n’en eût atteint que la moitié, en levant sa trompe toute droite.

La bête effroyable garda pendant quelques secondes son attitude vigilante. Puis, lourdement, lentement, s’éloigna, sautillant sur sa queue et ses colossales pattes de derrière, touchant le sol par instants de ses bras trop petits, mais armés de griffes menaçantes. César vit longtemps son dos interminable, incliné, se hausser et s’abaisser, tandis que la crête hérissée ondulait et que, tout au bout, la tête stupide et attentive se tournait de-ci de-là.

César n’avait que des notions extrêmement restreintes d’une science qui, alors, n’était que naissante : la paléontologie. Cependant, il ne pouvait douter que le monstre ne fût un survivant des époques qu’il nommait « antédiluviennes », et il fut certain d’avoir abordé dans une île où, par un hasard extraordinaire, des animaux et des plantes, disparus partout ailleurs, continuaient d’exister, — prodigieusement.

Il était en sueur. L’effroi, tout à l’heure, l’avait fait frémir. Il avait regretté que les ouvertures de sa pri-