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le maître de la lumière

— À ton aise, mon enfant. Je te laisse libre. Combien de temps resteras-tu à La Rochelle ?

— À La Rochelle même, deux jours exactement. Mais j’ai l’intention de revenir en faisant un petit détour par l’île d’Oléron, que je ne connais pas. J’ai appris tout à l’heure, du concierge, que Luc de Certeuil s’y trouve. Il dispute un tournoi de tennis à Saint-Trojan ; c’est une bonne occasion pour moi…

— Luc de Certeuil… prononça Mme Christiani sans le moindre enthousiasme et même avec une réprobation assez marquée.

— Oh ! soyez tranquille, maman. Je ne nourris pas pour lui une tendresse excessive. Mais enfin, n’exagérons rien. Il est comme bien d’autres, ni mieux ni plus mal ; je serais content de trouver quelqu’un de connaissance dans cette île inconnue de moi ; et je sais qu’il sera très heureux de ma visite.

— Parbleu ! fit Mme Christiani, pendant qu’une lueur d’irritation brillait dans ses yeux noirs.

Et, d’un geste qui révélait son mécontentement, elle lissa les bandeaux presque bleus qui encadraient son visage bistre de Méditerranéenne. Luc de Certeuil lui était antipathique. Il occupait, dans l’immeuble, un appartement de trois pièces, sur la cour ; Charles, peu mondain, ne l’eût sans doute jamais rencontré sans cette circonstance, que l’autre avait mise à profit pour entrer en relations. C’était un joli homme sans scrupules, un sportif, un danseur. Il plaisait aux femmes, malgré son regard déroutant. Mme Christiani l’avait tenu à l’écart jusqu’aux fiançailles de sa fille Colomba : car elle était méfiante et résolue.

— Enfin, dit-elle, penses-tu pouvoir être à Silaz dans une semaine ?

— Assurément.

— Bien. Je vais l’écrire à Claude.

Ces propos s’échangeaient un lundi.

Le jeudi suivant, à deux heures de l’après-midi, Charles Christiani, accompagné du bibliothécaire qui lui avait grandement facilité ses investigations, débouchait sur le port de La Rochelle et cherchait des