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le maître de la lumière

sieurs années après, lui revint à la mémoire. Ce fait, c’est que, aux époques antiques, l’île et les îlots avaient fait partie d’une vaste terre, peut-être un continent, et que, peu à peu, ce continent s’était englouti par morceaux. Une série de cataclysmes n’en laissait, en 1814, que ces fragments épars, visités par le capitaine Christiani : quelques îles, vestiges d’un archipel qui n’avait été lui-même qu’un vestige.

Le douzième soir, César fit appareiller pour regagner l’Île de France. Un groupe d’indigènes l’avait accompagné jusque sur la plage. Il les vit, à mesure que la Finette reprenait la mer, lancer dans l’espace, en signe d’adieu, des javelots qu’ils avaient parés de lambeaux éclatants, afin que, du large, on les distinguât encore.

Ce soir-là, un nuage noir jaillissait de la montagne et les fumerolles étaient fortes.

L’équipage de la Finette manifestait par des chants sa joie du retour. Parmi ces hommes rudes, il s’en était trouvé pour murmurer contre une escale qui se prolongeait sans raison ou, ce qui revenait au même, pour le bon plaisir du capitaine. Ils avaient grommelé d’autant plus que celui-ci avait défendu à quiconque de descendre à terre. Quelques-uns s’étaient permis des observations contraires à la discipline. César les avait fait mettre aux fers ou condamnés à recevoir quelques vigoureux coups de garcette. C’étaient toujours les mêmes. On retrouvait là les noms des têtes chaudes que les Souvenirs du capitaine citaient fréquemment à propos de cette campagne dans la mer des Indes.

Nous ne saurions trop insister sur ce point : que les Souvenirs ne font nulle mention des aventures qui viennent d’être relatées. Aussi bien, le manuscrit secret laisse voir avec quelle fièvre César Christiani envisageait le parti qu’il comptait tirer du verre optique pour faire une fortune de Crésus. Il en projetait plusieurs applications pratiques et ne doutait pas que la substance ne dût atteindre en Europe et dans le Nouveau-Monde des prix fabuleusement élevés. Il avait l’esprit positif, et, d’après lui, la propriété la plus précieuse du verre optique n’était pas d’apporter au siècle de Napoléon les témoignages du siècle des reptiles et des âges de glace