amours qu’elle avait réprouvées jusqu’ici, d’autant que, divorcée à la fleur de l’âge, elle nourrissait, sans trop le savoir, cet étrange besoin qui affecte l’humanité tout entière et qui consiste à désirer pour autrui les tribulations qu’on a soi-même essuyées. En sorte que, sourdement, elle n’était pas fâchée de travailler à rompre un mariage en train.
Luc et Rita n’étaient même pas encore fiancés ; qu’importe ! Il y a un peu de mariage dans les fiançailles les plus vagues ; c’est dire qu’il y a un peu de divorce dans leur rupture. Et, fort inconsciemment, la douce et blonde Mme Le Tourneur aurait souhaité que toutes ses amies fussent logées, comme elle, à l’enseigne de la séparation. Ainsi va le monde, et personne n’y peut rien changer. Ainsi les amitiés les plus sincères sont parfois le jeu d’obscurs penchants qui les influencent. Ainsi Geneviève Le Tourneur prenait-elle, à son insu, autant de plaisir à brouiller les cartes de Luc de Certeuil qu’à pousser à la roue de la Fortune, qui semblait maintenant favoriser Charles Christiani, — aux dires de son télégramme.
Ce télégramme, Rita le lisait et relisait dans un désordre mental inexprimable :
Hôtel Floria
Saint-Trojan (île d’Oléron)
« Vous prie respectueusement bien vouloir faire connaître à qui de droit que j’envisage possible révision instruction procès 1835 en vertu d’un fait nouveau découvert ce matin.
« Remerciements et hommages. — Charles Christiani. »
— Un fait nouveau ! monologuait Rita passionnément. Un fait nouveau ! Naturellement, ce ne peut être qu’une chose d’importance capitale ! Une chose propre à démo-