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le maître de la lumière

longe sous le bureau. L’un des bras repose entre un pied du bureau et ceux d’un fauteuil Louis XV arrondi, canné et pourvu d’un coussin de cuir verdâtre, — évidemment le siège où César s’asseyait pour écrire. L’autre bras s’en va toucher l’une des trois assises d’acajou d’un de ces grands guéridons circulaires, à table de marbre blanc, supporté par un fût de bois verni, dont la Restauration nous a légué tant de lourds spécimens. Entre les battants ouverts de la fenêtre à petits carreaux, une longue-vue marine est basculée sur son haut trépied.

Tel était le cabinet de César Christiani lorsque l’assassinat fut découvert. Ou, du moins, tel était-il à peu près. Car le peintre Lami — qui vécut jusqu’à nos jours — prit soin de noter, au dos même de son aquarelle, et de confirmer oralement, à maintes reprises, que cette reconstitution n’est pas rigoureusement authentique. Il n’avait pénétré dans l’appartement de César Christiani que le lendemain du crime ; à ce moment, le corps ne s’y trouvait plus ; il l’avait figuré sur son papier d’après les indications des témoins, des policiers et d’après les observations qu’il venait de faire à la Morgue.

Cette note du peintre Lami est aisément lisible, car, afin qu’il en soit ainsi, le dessin fut mis sous verre des deux côtés.

Charles relut assez distraitement l’écriture qui en couvrait tout le dos. Il s’en souvenait, en effet. Il avait étudié tout cela, pris lui-même sur tout cela des mementos. Et puis, le musée Carnavalet avait obtenu de lui l’autorisation de faire photographier l’œuvre de Lami, — précieuse pour l’histoire de Paris, moins en vérité parce qu’elle se rapporte à la mort du corsaire, que pour ceci : qu’elle augmente d’un fidèle témoignage toutes les reproductions connues du boulevard du Temple au moment de l’attentat de Fieschi, attentat caractérisé par une coïncidence si singulière avec le meurtre de César Christiani. Et souvent Charles avait sorti de ses cartonniers les épreuves photographiques dont le musée lui avait fait don. L’attentat de Fieschi était, pour un historien de la Restauration et du règne de Louis-Phi-