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pouvaient être, clandestinement, des plaques de luminite, disposées là par César.

C’est pourquoi il contrôla tous panneaux obscurs, de lambris, de portes d’armoires et bahuts, voulant vérifier si ce n’étaient point des plaques que la lumière n’avait pas encore traversées. Et il démonta tous les tableaux sous verre, et que l’image peinte ou gravée que l’on voyait à travers n’était pas une image d’autrefois. Il fit même, en décadrant ainsi une vieille Tentation de saint Antoine, la réflexion que, si le verre eût été une plaque de luminite, et si la gravure avait été enlevée après avoir jadis séjourné dans son cadre, on aurait continué pourtant à la voir, pendant des années, là où elle n’était plus ; et maintenant, derrière la glace, il ne trouverait plus rien, quoique la glace montrât toujours la gravure.

Aucune glace, aucun verre, aucun panneau n’étaient suspects. Aussi bien, dans le cas où César eût placé quelque part d’autres plaques de luminite, son manuscrit secret en aurait fait mention très probablement. Et, par ailleurs, si la luminite encore obscure passait facilement inaperçue, il n’en était pas de même de la luminite qui avait commencé d’émettre sa lumière. Celle-là eût été repérée avant que Charles s’en mêlât ; on n’en saurait douter, surtout si l’on veut bien réfléchir à ceci : que, tout naturellement, la substance, parfois, montrait en pleine nuit des vues de grand jour ou des vues de nuit bien éclairées de lampes ou de lustres, de lune ou d’étoiles, et que c’était par hasard que les plaques de la fenêtre haute avaient fait si exactement coïncider avec les soirs et les matins de 1929 les soirs et les matins de 1829. Sans quoi le vieux Claude et la vieille Péronne auraient pu voir en plein midi le fantôme nocturne de César agiter sa faible lueur derrière une fenêtre presque ténébreuse, et, la nuit, la petite chambre haute leur eût semblé baignée d’un soleil inexplicable.

Avec l’aide intelligente du chauffeur Julien, ces opérations de contrôle furent conduites rondement. La journée du lendemain n’était pas achevée que, dans la remise, l’automobile contenait déjà, sous forme de paquets entourés de couvertures amortissantes, les principaux élé-