Page:Renard - Le Maitre de la Lumiere, 1948.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
151
le maître de la lumière

ments d’une contre-enquête comme, de mémoire d’homme, on n’en avait jamais menée. Charles trouverait à Paris les autres éléments, à savoir : toutes choses venant de César et conservées rue de Tournon, — les pièces du procès Ortofieri, classées au Palais de Justice, où Charles les avait déjà compulsées, — aux Archives nationales, les vingt-sept cartons du procès Fieschi, qu’il importait sans doute d’étudier subsidiairement, — enfin certains documents que Rita Ortofieri ne refuserait assurément pas de prêter, concernant son aïeul.

Le lendemain, de très bonne heure, Charles fit ses adieux aux deux serviteurs. L’aube était grise et blafarde. Le ciel pendait en haillons de nuages sur les montagnes terreuses et jaunies. Les toits mouillés luisaient désolément. La route miroitait, semée de flaques d’eau. Une odeur de vin sortait du pressoir, et un petit char à quatre roues, traîné par deux vaches, s’en allait, pas vite, avec des tonneaux, dans un bruit de moyeux grinçants et d’essieux craquants et cliquetants.

— Merci bien, monsieur Charles, dit Claude.

— Oh ! oui, merci ! renchérit Péronne avec gratitude.

— Croirez-vous encore au servant ? dit Charles.

Mais Claude préférait un autre sujet de conversation :

— Alors, à quand, monsieur Charles ?

Il s’appuyait à la portière, son chapeau à la main.

— Je ne sais. Au printemps, à Pâques…

À Pâques ! D’ici là, sa destinée se serait fixée. Quelle âme aurait-il quand il reverrait, à l’époque des marronniers fleuris et des lilas, ce triste paysage ruisselant qui sentait aujourd’hui l’herbe humide, la feuille morte et le vin nouveau ? Bonheur ou malheur ?

— Allez, Julien. En route ! Au revoir, Péronne, Claude !

La voiture laquée, étincelante, parée de mille éclats et d’autant de reflets, démarra en souplesse sous le « débridé ». Des gerbes d’eau jaillirent au passage des énormes pneus abordant les ornières.

À Pâques ! Énigme ! Mystère de l’avenir !

« Et pourtant, tout est écrit ! pensait Charles. Je ne sais où, ce qui va se passer maintenant est écrit, repré-