nant le dos, regardant les promeneurs, les voitures, les nuages du printemps 1833.
On le vit se retourner, l’air souriant, à l’entrée d’une jeune fille qui pénétra dans le cabinet par la porte du salon et se mit à lui parler. Elle était fort jolie ; dix-sept ou dix-huit ans, pas davantage ; coquettement habillée d’une robe d’indienne, avec une collerette et un petit tablier noir ; coiffure lisse à grandes coques haut perchées, nouées d’un nœud aux larges ailes ; manches ballonnées ; bas blancs ; légers escarpins dont les rubans s’entrecroisaient autour de sa fine cheville.
— Quelle est celle-ci ? fit Bertrand. Ce n’est pas une visiteuse.
— Elle est charmante, dit Colomba. Qui cela peut-il être, Charles ? Pour une servante, je la trouverais bien dégagée…
— Ce n’est pourtant pas non plus une parente, répondit Charles. À cette époque-là, César ne comptait parmi ses proches aucune jeune fille. Ah ! parbleu, m’y voici ! C’est Henriette Delille !
— Qui ça, Henriette Delille ? demanda Bertrand.
— Une orpheline que César recueillit à la fin de l’année 1832, si j’ai bonne mémoire. C’était la fille d’un de ses anciens lieutenants, qui, avant de mourir, lui avait légué cette petite, dont il fut nommé tuteur. César détestait les domestiques. Henriette a tenu son ménage jusqu’à la fin. On lui donnerait dix-huit ans ; je crois bien qu’en 1833 elle n’en avait que seize. C’est une bien jolie personne !
— Eh ! Eh ! Est-ce que notre César aurait eu quelque inclination pour sa pupille ?
— Ses Souvenirs, en tout cas, n’en font rien présumer. Il ne lui a laissé par testament qu’une somme convenable. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue après la mort de son tuteur. C’est elle qui a découvert le cadavre, au soir du 28 juillet 1835. Sa déposition figure au dossier du procès Ortofieri.
— Pourrais-tu, dit Bertrand, me donner un aperçu de ce procès ?
— Rien n’est plus simple. J’ai là, dans ma bibliothèque, toutes les notes que j’ai prises naguère, et qui résu-