Page:Renard - Le Maitre de la Lumiere, 1948.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
le maître de la lumière

« Je n’ai vu de lui… » songeait-il.

— Je n’ai vu de lui, et ce n’est pas hier, qu’un mauvais portrait, — répétait Charles Christiani, le lendemain après-midi, en s’adressant à Bertrand Valois. C’est une médiocre lithographie qui fut mise en vente à l’époque du crime et dont la famille Ortofieri a, du reste, acheté presque toutes les épreuves (ainsi que l’espérait l’auteur, je suppose !)

Bertrand Valois, une flamme vive animant son regard, et flairant le vent de son nez malicieux, fit halte devant son futur beau-frère. Car il allait et venait dans la chambre de celui-ci, rue de Tournon.

— Mlle Ortofieri nous confiera d’autres portraits, n’est-ce pas ? C’est la base de notre entreprise.

— Elle fera, j’en suis sûr, tout ce que je lui demanderai.

Le jeune auteur dramatique, sur un coup de téléphone de Charles, était venu déjeuner avec les Christiani. Mme Christiani, n’avait pas encore été mise au courant des projets de son fils, elle ignorait le premier mot de sa découverte, ne s’étant même pas souciée d’apprendre pourquoi Claude, à Silaz, avait réclamé le secours de son maître. Mais Colomba savait l’essentiel depuis l’arrivée matinale de son frère, et Bertrand venait d’entendre en sa présence, le récit de Charles, qu’il avait écouté comme le sultan Schariar dut se repaître des histoires de Schéhérazade.

Il était ébloui, charmé, transporté d’enthousiasme, impatient d’agir.

Les paquets étaient là, au fond d’un vaste placard ouvert, qu’on pouvait refermer à la moindre alerte. Et, dans cette ombre qu’elles éclairaient d’une lumière fabuleuse, les plaques, déballées, perçaient des semblants de fenêtres : une sur le parc de Silaz, une autre sur la petite chambre haute, la troisième, l’inestimable troisième, sur le cabinet de César, boulevard du Temple. Et, dans cette plaque, César lui-même fumait sa pipe à sa fenêtre, tour-