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le maître de la lumière

naître sans délai à mon supérieur hiérarchique que je crois pouvoir donner à ce sujet certaines indications.

« Étant de service le mardi 28 juillet, à midi, sur le boulevard du Temple, côté des numéros impairs, entre la rue Charlot et la rue du Temple, qui est le côté où Sa Majesté devait passer en allant vers la Bastille avant de revenir en longeant l’autre côté, j’ai remarqué un individu bien vêtu qui stationna quelque temps devant la porte du 53, puis se décida brusquement à pénétrer dans cette maison.

« Je faisais les cent pas derrière la foule, surveillant la façade des maisons, ainsi qu’il m’avait été prescrit. Néanmoins, les façons de ce bourgeois attirèrent mon attention. Il semblait préoccupé. Au lieu de regarder, comme tout le monde, la chaussée qui était bordée, de ce côté-là, par les gardes nationaux et, de l’autre, par l’infanterie de ligne, il allait et venait, jetant à la dérobée des coups d’œil sur les fenêtres. Cependant, je dois reconnaître qu’il ne m’inspirait pas d’inquiétude. Il avait l’air de chercher quelqu’un à l’une de ces fenêtres, dont la plupart étaient garnies de spectateurs.

« Lorsqu’il disparut dans le vestibule du 53, les tambours battaient aux champs vers le Château-d’Eau, annonçant l’approche de Sa Majesté et de son escorte. Au moment où le cortège parvint à ma hauteur, je redoublai de vigilance, observant, de toute mon attention, suivant les ordres, les maisons et leurs abords. Je ne pensais plus à cet homme, lorsque la machine infernale fit tout à coup les ravages que l’on connaît. Je me précipitai alors vers la maison rouge d’où s’élevait la fumée de l’explosion et, je dus, pour cela, traverser la boucherie et le désordre du boulevard.

« Jusqu’au soir, je fus occupé des conséquences de l’attentat. Puis je quittai le service, harassé de fatigue. Hier, 29, je goûtai un repos bien gagné. Ce matin seulement, la pensée de l’homme m’est revenue en mémoire lorsque j’appris l’heure et les circonstances du meurtre de M. César Christiani. J’ai tout lieu de présumer que son assassin n’est autre que l’individu agité que j’ai vu s’élancer vers le numéro 53 et qui, sur l’heure, n’avait