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le maître de la lumière

Rita et je vous transmettrai son avis au sujet des portraits et de la marche à suivre.

Et Charles avait ajouté :

— Permettez-moi de vous recommander le silence à propos de la luminite. Je voudrais en finir complètement avec l’affaire Ortofieri avant de rendre publique la découverte. Si les journaux s’en emparaient prématurément, c’en serait fini de notre tranquillité, nous serions assaillis, et il est effrayant de constater avec quelle promptitude se répandent les nouvelles qu’on voudrait garder secrètes. Tout à l’heure, quand je suis sorti de chez moi, ma concierge, émerveillée, ne s’est pas gênée pour me demander des détails sur « le truc extraordinaire que j’ai rapporté de Savoie ». Le chauffeur a dû bavarder, malgré mes recommandations…

— Soyez tranquille, avait répondu Geneviève de ce ton enjoué et un peu pédant qu’elle prenait parfois, en vertu d’une petite culture dont elle était grandement fière. J’imiterai de Conrart le silence prudent.

Le lendemain, lorsque Charles se présenta chez la blonde émule de cet obscur littérateur, il eut la forte émotion de la trouver en compagnie de Rita Ortofieri.

— N’est-ce pas beaucoup plus simple ? dit Geneviève avec un petit rire.

— En effet… approuva Charles machinalement.

Il y eut alors un terrible moment de trouble et de malaise, à cause de l’effort immense que devaient faire ces deux cœurs pour réprimer l’élan de leur joie.

D’un commun accord, Charles et Rita prirent tacitement le parti de ne pas prononcer un mot qui se rapportât à leur amour. La moindre étincelle eût allumé un feu redoutable. Ils ne parleraient donc que de l’entreprise qui peut-être leur permettrait bientôt de lâcher la bride à cette passion si douloureusement contenue. Et là encore, comme avec Mme Christiani, il ne serait question que de rechercher la vérité et de faire triompher la justice. Ils sembleraient s’intéresser seulement aux deux vieux ennemis, César et Fabius, et ne plus savoir qu’à travers le drame ancien qu’il s’agissait d’éclairer, c’était leur propre destinée qu’il s’agissait de découvrir.

Tout tremblants d’une fièvre délicieuse dont il leur