couvrit la tête d’un bizarre haut de forme en paille. Ils échangèrent quelques mots. L’ancien corsaire était sombre et paraissait hargneux, bougon. La jeune fille, plus svelte qu’en 1833, toujours extrêmement jolie, — davantage peut-être, — semblait triste, sinon malheureuse. Avec une grâce touchante, elle posa sa main sur le bras de César et, d’un regard implorant, parut l’encourager ou, comme dit Bertrand, « lui remonter le moral ». Mais on n’en vit pas plus, car ils sortirent ainsi, lui taciturne, elle douce et filiale.
La chambre resta vide, sa croisée ouverte sur le beau temps.
Charles porta la jumelle à ses yeux, non sans vivacité. Il en tourna nerveusement la molette de mise au point.
— Fieschi ! dit-il. Et sa maîtresse, Nina Lassave.
Il y avait là plusieurs lorgnettes, car tout était prévu. Chacun des assistants se munit de l’une d’elles.
Là-bas, à la fenêtre du troisième étage de la maison rouge, sous la jalousie relevée, un petit personnage maigre, osseux, ardent, causait avec une fille beaucoup plus jeune que lui, modestement vêtue d’une robe terne. Fieschi, en parlant, gesticulait à la manière des Italiens ; ses yeux noirs brillaient dans son teint gris ; il portait de courts favoris. La fenêtre où ils s’encadraient tous deux n’avait pas de barre d’appui. Ils regardaient l’animation du boulevard en appuyant leurs mains à même le rebord.
Charles se fit le cicerone de ce vivant musée Grévin :
— Fieschi a loué ce petit appartement depuis le mois de mars, sous le nom de Gérard, mécanicien. La maison lui a semblé favorable au crime qu’il veut commettre. Morey, son complice, l’a choisie avec lui, mais n’y reviendra que la veille de l’attentat, pour charger les vingt-quatre canons de fusil de la machine infernale. Nina Lassave n’habite pas avec son amant ; elle est employée à la Salpêtrière. Regardez-la, elle est borgne, son œil gaucheo est fermé et il lui manque trois doigts ; c’est une pauvre créature dont l’enfance fut abominablement maladive.
— Elle a tout de même du charme, dit Colomba : le