qui ne les partagent pas, ceux qui les éprouvent de père en fils, depuis plusieurs générations, les tiennent au contraire pour les fondements mêmes du devoir et les bases de la morale.
— Laissons là les hypothèses, dit Charles. Les si ne nous mèneraient à rien. Tenons-nous-en aux présomptions, elles sont un peu moins vaines. Tu me demandais tout à l’heure si l’entrevue de César et de l’homme à la canne renforce les charges d’accusation contre celui-ci. Je te réponds nettement : oui.
— Ah ? fit Bertrand avec une brève contraction de tout son visage.
— La pendule du cabinet marquait neuf heures, dit Charles. Neuf heures du matin, le 1er juillet 1835. Nous sommes maintenant à vingt-huit jours du meurtre. Or, c’est en ce jour, très rapproché du forfait, que César et notre inconnu se sont trouvés face à face, au cours d’un entretien d’une rare violence. Et quand je dis « entretien », c’est une façon de parler. César n’a pas » laissé son visiteur répliquer abondamment à ses apostrophes.
« Il était assis de biais, écrivant sur la table-tirette de son bureau à cylindre, exactement, du reste, comme tu le vois en ce moment-ci.
Bertrand regardait comme toujours cette plaque qu’on ne pouvait quitter des yeux, dont le spectacle extraordinaire s’imposait à l’attention avec une force incroyable.
— La porte de l’antichambre s’est ouverte, continua. Charles. Henriette Delille fit passer devant elle le jeune homme et se retira aussitôt. Elle faisait peine à voir : sa pâleur, ses traits tirés, son expression si malheureuse auraient fléchi le cœur le plus endurci. Mais César se dispensa de jeter les yeux sur elle. Peut-être redoutait-il tout simplement la vue de son chagrin et se sentait-il trop disposé à faiblir… Il avait pivoté sur son fauteuil et toisait le nouveau venu, qui se tenait devant lui, à distance respectueuse, son chapeau à la main, la canne sous le bras. Certes, lui non plus n’était pas trop rose. Ses joues n’avaient plus de sang, son nez se pinçait…