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CHAPITRE XVII

élégie


À l’heure où Charles quittait sa sœur et son beau-frère, deux jeunes femmes, l’une très brune et l’autre très blonde, les bras chargés d’un monceau de roses, suivaient une allée retirée, dans le cimetière du Père-Lachaise. Rita, aujourd’hui plus mince, plus élancée, semblait avoir grandi depuis sa convalescence. Un reste de pâleur accusait encore le cerne de ses yeux, plus brillants que naguère et plus profonds. Maintenant, à côté de Geneviève Le Tourneur, ce n’étaient plus sa démarche, ni l’air de son visage, ni les reliefs inexprimables d’une adolescence à peine révolue, ce n’était plus rien de tout cela qui la distinguait de son amie. Deux « jeunes femmes », on l’eût dit. Les robes et la coiffure seulement tentaient d’y mettre bon ordre, mais tout le monde n’entend pas le langage des modistes et des couturières. Ce n’était plus comme sur le pont du Boyardville. Sans doute, la beauté de Mlle Ortofieri ne perdait rien à cette finesse, à cette grave pâleur et à cette ardente mélancolie. Mais sa grande peine et sa longue bataille contre la mort avaient à jamais chassé de son être les dernières traces de la divine enfance.