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le péril bleu

— « Comment ! Vous n’avez donc pas vu ?… Vous n’avez rien remarqué de spécial ? »

— « Non, monsieur Maxime. »

— « La nacelle, voyons… la nacelle ?… Eh bien ! il n’y en a pas, de nacelle ! »

— « Monsieur Maxime croit ?… »

— « Si je crois ! »

— « Pas vu. Ça filait trop vite… »

— « Vous n’avez rien entendu… Moi non plus. Du reste, le moteur de la voiture faisait un vacarme et trépidait ! »

— « Là ! monsieur Maxime l’a laissé emballer quand il a débrayé si tellement rapido… — Enfin, v’là qu’on sort de la ouate ; c’est pas dommage… »

En effet, l’automobile gravissait la rampe de Mirastel ; et bientôt, remonté dans la lumière du soir, Maxime put observer les choses à loisir.

La mer de brouillard se tenait parfaitement immobile. Aucun sillage ne la tourmentait. La lune, élevée, réduite et pâlie, la touchait à présent de lamelles nacrées. L’air immense n’était hanté que de chauves-souris. Aussi loin que portait le regard, aucun ballon ne fuyait. L’aéronat furtif, qui semblait gouverner sans équipage, ainsi qu’un dirigeable-fantôme, continuait sans doute à se couler sous la nappe vaporeuse ; et celle-ci se prolongeait à perte de vue.

Maxime aborda Mirastel et s’arrêta dans la cour des communs.

Il fut assez étonné d’y voir ses parents et tous les domestiques réunis autour d’un cabriolet à quatre roues, nanti d’une caisse volumineuse, dont le propriétaire discourait avec animation. Maxime reconnut Philibert, le concessionnaire de la pêche au lac du Bourget. (Tous les jeudis, cet homme allait de castel en castel, apportant le poisson du vendredi et c’est lui qui fournissait à l’océanographe-ichtyologue les sujets de ses expériences et les modèles de ses planches.)

Philibert pérorait donc. Et Maxime remarqua l’air sérieux et attentif de Robert Collin et de M. Le Tellier qui l’écoutaient. — Personne, au surplus, ne s’intéressait au retour de l’automobile.