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le péril bleu

pières et d’une orbite sans œil, regardait se pencher leurs trois angoisses… et vit reculer leurs trois épouvantes.

Le mécanicien, dans l’énergie de sa reculade, s’était assis au milieu d’un buisson. Il en ressortit d’un bond, comme s’il eût touché le Buisson Ardent, et montra quelque chose qui s’y trouvait logé, — le deuxième aérolithe, — une jambe d’homme, écorchée, rougeâtre et sanguinolente.

— « Mais, mais, » bégaya le docteur, « cela, cela a été fait par… par quelqu’un de la partie… un familier du scalpel… C’est une préparation… — Houïe ! qu’est-ce que c’est encore ? »

Il se baissa vers une petite babiole qui, à l’instant même, avait heurté son chapeau, et ramassa — Seigneur ! — un doigt auriculaire méticuleusement dépecé.

— « Gare à vous ! v’là que ça recommence ! » hurla le mécanicien.

Des sifflements… Un faisceau de sifflements…

Autour d’eux, malades de répugnance, s’abattait une grêle infâme de viscères, de pieds, de bras et de cuisses, tout un cadavre débité, dont chaque fragment était une préparation anatomique hideuse et cependant remarquable, tout un corps travaillé par des carabins virtuoses, et provenant de ce coin de ciel où rien n’existait.

— « Tu réponds de ce que tu avances ? » bredouilla M. Le Tellier. « C’est de la dissection ? »

Le docteur expertisait les débris. On débourba l’horrible tête…

Les deux pères ressemblaient à ces pauvres Jacques du temps des alchimistes et des Gilles de Retz, qui, ayant égaré leurs enfants, tremblaient qu’ils ne fussent égorgés sur un billot philosophal.

— « Oui, » soutint M. Monbardeau, « ce sont des membres et des organes disséqués… sinon même viviséqués !… Eh ! eh ! cet avant-bras, on pourrait bien l’avoir accommodé tout vif… »

— « Oh ! » se récria M. Le Tellier sur le point de défaillir.

Une appréhension terrible leur comprimait le cœur : — Qui était ce mort ?

— « La tête est méconnaissable », disait le docteur,