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le journal de robert

lointaine n’était plus sensible d’un seul regard. En levant les yeux, par exemple, je vis le ciel se débleuir, s’assombrir ; et puis, soudainement, au-dessus de moi, j’aperçus à ma droite — c’est-à-dire un peu au sud du point vers lequel je montais — une noirceur qui grossissait à vue d’œil. Il me sembla qu’elle tombait, mais c’est moi qui montais vers sa fixité.

J’allais la regarder dans ma jumelle ; mais un malaise, à l’improviste, m’en empêcha. Un bourdonnement d’oreilles battit une roulade de tambours incessants. Il me sembla que le « clip clap » venait de s’arrêter brusquement. Je fus saisi par un grand froid ; mes bras et les muscles de mon cou s’ankylosèrent (électivement et progressivement) ; j’éprouvai une difficulté incroyable à respirer ; mes yeux se voilèrent, et c’est à peine si je pus constater que le thermomètre avait baissé, d’un plongeon terrible, vers — 22°, et qu’il continuait à baisser… Il me fut interdit d’aller chercher le baromètre dans l’une de mes poches… Toutefois, mes yeux défaillants crurent discerner une forme qui s’affirmait partout, de tous côtés à la fois. Il me parut que l’air s’obscurcissait… Mais n’était-ce pas une résultante de ce début d’évanouissement ?

L’instinct de la conservation me fit trouver l’embouchure de la vessie pleine d’oxygène ; et alors, immédiatement, je repris mes sens. Toute faiblesse fut dissipée.

J’étais enfermé dans un haut et vaste cylindre de glace, — une espèce de tourelle close. J’étais accroupi sur le fond d’un bocal de glace dont l’épaisseur augmentait continuellement et qui atténuait le jour de plus en plus.

Et il neigeait dans ce cylindre. Mes vêtements étaient couverts de givre ; ma barbe avait des stalactites gelées ; mon haleine se résolvait en grésil. J’avais l’air d’être emprisonné dans un cruchon de verre frappé…

Tout d’un coup, le doux « clip clap » reprit, avec un