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le péril bleu

entrain — dirai-je alerte ou même allègre ? — comme pour rattraper le temps perdu. (Je crois que c’était derrière mon dos.) Ce bruit enchanté s’accompagnait d’un espèce de courant de chaleur et de sécheresse. La température remonta ; la lumière revint ; le flacon réfrigérant fondait. Bientôt il n’en resta plus qu’une mince feuille de gel cylindrique, et cette feuille — ce tube — disparut à son tour, comme essuyée. Avec elle, partit le dernier soupçon de malaise, comme essuyé aussi…

Je me retrouvai seul au milieu de l’immensité, montant toujours. Le mirage avait duré quelques secondes. Cependant le ciel était sensiblement moins bleu qu’avant, et le point noir, très grossi, était devenu une macule carrée.

C’est alors que je voulus reprendre ma jumelle pour observer cette macule. Mais je me rappelai qu’aux premiers instants de ma pâmoison elle s’était échappée de mes mains. J’en ressentais une vive contrariété, quand, à ma profonde stupeur… »

Ici, M. Le Tellier cessa de lire le cahier rouge. Une clameur incalculable avait détourné son attention.

L’automobile débouchait place de l’Opéra. Le coup de canon venait d’annoncer le départ de la course et roulait sur Paris en échos d’enthousiasme et de gloire.