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Le fameux Vendredi 6 Septembre



Pour la première fois, le vieux ciel de Lutèce allait servir de lice à des régates aériennes. Il était d’un bleu de gala.

Toute la ville fourmillait. La moitié du peuple envahissait les toits. Depuis le matin, les édifices se couronnaient du grouillement des hommes. Des lucarnes s’étaient louées comme des avant-scènes de première. Surchargés de spectateurs, plusieurs balcons avaient déjà croulé. Certaines maisons semblaient animées, tant leurs façades et leurs terrasses s’enduisaient d’humanité remuante. L’onde épaisse de la foule mouvait ses lents tourbillons aux fleuves des rues, aux étangs des places, et surtout dans les quartiers coupés par l’itinéraire du match. Cette droite idéale, tirée des Invalides à la cathédrale de Meaux, traversait le carrefour de la rue Louis-le-Grand, de la rue de la Chaussée-d’Antin, du boulevard des Italiens et du boulevard des Capucines ; et là mieux qu’autre part, les immeubles disparaissaient à demi sous une carapace vivante. La cité prodigieuse tenait lieu d’estrade à tout un monde. Une infinie rumeur de Colisée-titan la remplissait. Une odeur de ménagerie et d’arrosage, montant du sol, alourdissait la chaleur du beau Jour estival.

On ne parlait pas du Péril ; on ne parlait que de la course. Les deux appareils compétiteurs défrayaient d’intenses causeries. Personne encore ne les avait aperçus, et cependant chacun tenait pour son favori, les uns préfé-