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suite du journal

la Terre ! Nous ne nous doutons pas qu’une autre humanité, plus considérable que la nôtre, existe au dessus d’elle, nous ignorant, nous supposant à peine et nous prêtant l’esprit que nous prêtons aux crabes ! Une autre humanité qui se croit évidemment la seule reine de la planète ! Un autre peuple, sur un monde extérieur au nôtre et que les astronomes de Mars ou de Vénus prennent peut-être pour la véritable Terre, si notre atmosphère n’est pas transparente à ce qui leur sert de prunelles et s’ils voient, au contraire, ce que nos prunelles sont impuissantes à distinguer. Nous, les astronomes terriens, n’est-ce pas ainsi que nous avons pris longtemps la photosphère — l’atmosphère éblouissante du Soleil — pour la surface même de l’astre ?

§ Un adolescent vient d’arriver parmi nous. Il est à côté du singe. Nous l’avons vu s’acheminer sans un mouvement, de cette extraordinaire progression suspendue dans l’immensité. Une femme d’un certain âge s’est mise à pleurer, lui a tendu les bras…

§ Maxime Le Tellier m’a reconnu. Il me fait des signes, de loin.

§ Mon hypothèse du continent-radeau explique pourquoi les bolides qui n’arrivent pas suivant la direction du rayon terrestre ricochent toujours sur quelque chose qu’on croyait être, jusqu’ici, le matelas atmosphérique, puis vont se perdre dans l’infini… »

À la vérité, il paraît que cette dernière phrase, relative aux bolides, ne fut jamais lue par le duc d’Agnès. Car, au moment qu’il l’entamait, un instinct sans réplique le fit bondir en avant ainsi que M. Le Tellier, et les écarta de la masse invisible contre laquelle tous deux s’appuyaient.

Cette masse, silencieuse jusqu’alors, venait de produire un grincement désagréable juste dans le dos de M. d’Agnès.