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l’épave de l’air

de toucher à ce corps invisible. Grâce à mon regretté secrétaire, qui a si bien déduit du connu l’inconnu, voilà que nous savons à quel engin nous avons affaire. Il ne s’agit pas d’une machine venue des astres, comme le bruit en court, mais d’un appareil tombé d’une terre invisible, supérieure à la nôtre et qui fait partie de notre planète ; ce n’est pas un uranoscaphe, ni un éthéroscaphe, c’est tout bonnement un aéroscaphe. C’est un sous-aérien, qui voguait parmi l’air comme nos sous-marins naviguent au sein de l’eau ; et ceci accentue encore la ressemblance si souvent remarquée entre les navigations aérienne et sous-marine, de même qu’entre l’air, type populaire des gaz, et l’eau, type populaire des liquides.

» Ce bateau invisible a été frété par un peuple inconnu, invisible, superaérien. Sans aucun doute, il est monté par d’invisibles matelots. On peut affirmer, de plus, qu’il fut armé pour la prospection des bas-fonds sous-aériens (autrement dit : notre sol) et dans le but de faire ce qui est pour nos voisins d’en dessus « de l’océanographie ». Si vous comparez cela aux études de S. A. S. le prince de Monaco, vous direz avec moi que cette embarcation, dont la forme rappelle nos submersibles plus encore que nos dirigeables, est une Princesse-Alice invisible et submersible, un yacht plongeur destiné à la pêche au fond de la mer, — une Princesse-Alice et un Nautilus tout ensemble. Nous ne possédons rien d’analogue… »

— « Pardon, monsieur ! » réfuta vivement un capitaine de frégate qui écoutait de toutes ses oreilles. « Il existe un sous-marin pour la pêche aux éponges. C’est un prêtre qui l’a inventé. Cela fonctionne dans la perfection. »

— « Les Sarvants ne sont donc pas des novateurs aussi originaux que je le croyais », reprit M. Le Tellier. « Cependant, ils ont oublié d’être bêtes ; car, étant donné l’évidente légèreté spécifique de leur substance constitutive, ils avaient à surmonter de singulières difficultés pour descendre au fond de l’atmosphère, à cinquante kilomètres au-dessous du niveau de leur mer. Supposez des hommes naturels voulant plonger au fond d’un océan d’eau de cinquante mille mètres ! Les Sarvants