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premières recherches

dites pierrailles et sur la sécheresse de la terre. Rien, nulle part ! Rien que des clameurs enrouées rebondissant de rochers en rochers, se mêlant parfois au fracas d’une cascade et traversant les gorges sombres où la forêt ne plongeait que pour remonter, tantôt profonde et tantôt culminante, mais toujours taciturne et secrète.

Des vapeurs s’élevaient des bas-fonds. Le ciel noircit.

Mme Le Tellier, qui allait avec sa sœur, son mari et Bornud, se laissa tomber sur un tertre, à la lisière supérieure des bois ; elle n’en pouvait plus. De cette place, on voyait enfin le sommet du Grand-Colombier. C’était un dos d’âne gigantesque et nu, tapissé d’un gazon glissant. Il opposait à l’escalade un versant hostile. Trois bosses ondulaient sa crête ; elles étaient blanches de neige, et sur la plus haute — celle du milieu — se dressait une croix monumentale, infime dans la distance.

Ils levèrent les yeux.

Un homme montait vers la croix, laborieusement, avec des glissades et des haltes fréquentes.

M. Monbardeau se fit une visière de ses mains.

— « C’est Robert Collin », dit-il.

Un gémissement lui répondit. Mme Le Tellier, harassée de fatigue et d’inanition, se pâmait. — Elle revint à elle. Mais il ne fallait plus songer à poursuivre la reconnaissance. Du reste, à quoi bon ? Le jour finissait. Des nuages s’amoncelaient au-dessous d’eux. Et n’avaient-ils pas rempli leur tâche ? Toute la montagne ne se trouvait-elle pas explorée, depuis le bas jusqu’à la crête déserte où parvenait Robert ?

Le retour fut mortel et s’accomplit dans un mutisme gros de pensées. Les Monbardeau et les Le Tellier étaient à jeun depuis douze heures ; la faim exaltait leur angoisse.

À l’auberge, où Mme Arquedouve avait fait servir un dîner, la lampe éclaira des faces exténuées qui s’interrogeaient anxieusement.

Rien. — Personne n’avait rien découvert. Et tous étaient rentrés, à l’exception de Robert. Il avait dit à Maxime : « Ne m’attendez pas pour repartir. Je m’arrangerai. Qu’on ne se tourmente pas à mon sujet. »