— J’ai ma vieillesse, c’est une raison.
— Vous vivrez votre siècle.
— C’est ce que je dis aux jeunes gens ; ça les taquine.
— Mais au fond vous êtes lasse d’être malheureuse et vous ne tenez pas à vivre cent ans ?
— Un peu plus, un peu moins ! dit-elle absorbée.
Je ne sais pas au juste ce qu’elle veut dire, si elle fait allusion à son âge ou à sa misère. Elle rêvasse et le jeu déréglé de ses mâchoires toujours en mouvement lui donne l’air de ruminer.
— Réveillez-vous, Honorine.
— C’est égal, dit-elle, j’ai bien ri.
— Vous ! En quelles occasions ?
— Aux fêtes du pays, aux noces du village, à la rivière avec les laveuses.
— À propos de quoi, Honorine ?
— De n’importe ; je riais parce que j’étais contente, que j’aimais rire et danser. Je n’ai pas toujours eu des pieux de bois sous mes jupes, je dansais en riant de fameux coups.